La (re)découverte de l’histoire du Farman Goliath immatriculé F-FHMY a eu pour commencement l’acquisition d’une carte postale représentant un aéronef en stationnement au Bourget, avec une mention « Goliath Farman – 12 passagers – 2 moteurs Salmson (270 CV)« , carte postale sans correspondance au dos, mais avec un cachet « Compagnie Aérienne Française – Baptême de l’air » et une date inscrite au crayon « 13 juin 1929″.
Cet appareil – dont l’immatriculation est à l’origine incomplète sur la carte postale – a pu être identifié dans un premier temps grâce à deux paramètres secondaires : son appartenance à la compagnie Air Union et la date du 13 juin 1929. En recoupant les Farman Goliath dont l’immatriculation commençait par F-FHM[…] et qui sont au nombre de cinq – F-FHME, F-FHMI, F-FHMO, F-FHMU et F-FHMY – dans la nomenclature aérienne, deux immatriculations ont été retenues : F-FHMI et F-FHMY. La première immatriculation a été abandonnée, car elle correspondait à un appareil appartenant à M. Farman, et basé à Toussus-le-Noble. La seconde immatriculation fut retenue car elle correspondait à un appareil d’Air Union qui avait tragiquement été accidenté en septembre 1930. D’autre part, en examinant à la loupe la photographie, l’extrémité du « Y » est visible. Quelques recherches ont permis de reconstituer ensuite l’histoire de cet appareil [1].
Ce Farman Goliath est à l’origine un modèle F.60, mis en service en avril 1921 pour la Compagnie des Grands Express Aériens (CGEA), puis transféré en 1923 à la Compagnie des Messageries Aériennes qui l’absorbe, qui donne naissance en février 1924 à Air Union. Endommagé en novembre 1925, cet aéronef subit une complète révision et est reversé dans le service en 1929, classé comme F.63 après la modification de ses moteurs. Il est engagé sur la ligne commerciale France-Angleterre, entre Le Bourget et Croydon.
Le lundi 10 février 1930 [2], le Farman F.63bis Goliath aux couleurs d’Air Union décolle à 10h40 du Bourget, avec trois hommes d’équipage et trois passagers anglais. Selon l’examen après l’accident, l’appareil semble avoir subi une défaillance structurelle de l’empennage tribord. Il revient tout d’abord au Bourget, le pilote français, Jean Nevot, ayant des difficultés à tenir le cap de l’appareil, puis reprend sa route après une vérification au sol qui ne révèle rien d’anormal. C’est en Angleterre, près de Marden (Kent), que le pilote a tenté un atterrissage d’urgence après avoir perdu 2.000 pieds d’altitude. Le Farman a alors décroché, s’est écrasé et a pris feu. Deux passagers ont été tués – Mme et M. A. Hodges de Sheerness – , le troisième est blessé – M. H. Curson -, tout comme les trois membres d’équipage, Henri Nevot et le mécanicien Le Sollier et le radio Alvaux.
Une carte postale anodine d’un appareil qui eut une histoire tragique, modèle pourtant considéré comme fiable et robuste dans son utilisation sur la liaison France-Angleterre [3].
[1] L’étude en ligne sur les Farman Goliath par Gérard Hartman permet de comprendre les différents modèles, différences essentiellement liées à la motorisation.
[2] https://en.wikipedia.org/wiki/1930_Air_Union_Farman_Goliath_cras
[3] Merci à Élie Nochumson – apprenti historien âgé de 11 ans – qui a permis l’identification de l’avion sur la carte postale en question.
Billet daté du 10 février 2019